Journal d'artiste,  page 4  "Avec du papier toilette, on n'est jamais dans marde !"

Journal d'artiste, page 4 "Avec du papier toilette, on n'est jamais dans marde !"

"Avec du papier toilette, on n'est jamais dans marde !"

Pourquoi est-ce que je me sens coupable ? Pourtant, j'ai travaillé sept jours d'affilée sans m'asseoir une seconde. Peut-être que je m'amuse trop avec mon travail... En y réfléchissant bien, c'est sûrement parce que j'ai peur de ne pas être à mon atelier. Peur de manquer des personnes intéressantes ou de perdre des ventes de tableaux.

En tout cas, coupable ou pas, je vais me réfugier au Parc du Bic avec Nathalie. Mais pas avant d'avoir dévoré le pain fesse de ma belle-mère. Il est tellement bon que je n'ai même pas besoin de l’assaisonner au Nutella.

Sur la route, j'entends à la radio un reportage qui aborde différentes orientations sexuelles, ou plutôt les redécouvre. Pansexuel, queer, patentesexuel. Ouf ! L'amour est devenu compliqué, et je suis content d'être simplement Nathsexuel.

Tout de suite, ça part dans ma tête... Nathsexuel, est-ce assez hot pour faire l'objet d'un reportage à la télévision ? Je me vois déjà en interview dans mon atelier, racontant mon adolescence, mes difficultés relationnelles, et les fois où j'ai essayé "d'autrenomsexuel". D'une entrevue à l'autre, je parle de ma sexualité et j'en profite pour parler de mon art, je passe même à tout le monde en parle.

Oops ! Je suis déjà arrivé au Bic sans avoir vu le temps passer, une fois de plus.

Conséquence de ma nouvelle notoriété, je sors de la voiture avec le dos droit , le chest bondé et un large sourire. Juste à côté de moi, un charmant couple décharge tout leur équipement de leur voiture. Selon le reportage, ils sont hétérosexuels ! Ils ne me reconnaissent pas... La femme me regarde bizarrement. Peut-être que je n'aurais pas dû lui faire un signe de la main à la manière de la reine. J'ai encore mélangé mon monde imaginaire avec la réalité. Re-bienvenue sur terre, Jean-Pierre.

"Avec du papier toilette, on n'est jamais dans la marde !" J'y suis arrivé, j'y suis arrivé.

Avec pour seul équipement mes chaussures à lacets ronds que je rattache à chaque kilomètre. Ma première marche de la saison au Parc du Bic me replace en tant qu'homme blanc "normalement normal". J'en ressors avec de magnifiques paysages gravés dans ma mémoire, prêts à ressortir en couleurs sur mes toiles vierges.

Sur le chemin du retour, je discute avec Nathalie du sujet principal de nos conversations en couple, le sexe... non ! De ce que nous allons manger pour le souper ! Pour ceux qui ont des idées mal placées, je parle ici de vraie nourriture.

À la dernière minute, je prends la sortie pour le  Walmart. Je déteste y aller, mais ils ont un moyen de m'attirer : les gros emballages de poulet refroidi à l'air à un prix raisonnable. La seule chose que je déteste encore plus que Walmart avec son éclairage froid et ses bruits incessants, c'est le poulet radioactif. Vous savez, celui qui est injecté d'eau bionique ! Sa texture au toucher, le bouillon qu'il dégage à la cuisson, tout me dégoûte. En plus, j'ai l'impression que les compagnies se moquent de moi en me vendant ça. Bref, la stratégie commerciale de Walmart fonctionne trop bien, nous avons acheté beaucoup trop de choses, notamment du papier toilette.

Comme c'était imprévu et que les sacs réutilisables étaient restés dans l'autre voiture, et si j'achète un autre sac, ma maison explosera comme un ballon du Dollarama. Je sors donc du magasin avec le panier rempli de produits “lousses.” En ouvrant le coffre de la voiture, une vague de chaleur me saute au visage. Ce n'est pas la situation idéale pour faire faire une demi-heure de route à mon poulet. Il va arriver à moitié cuit et tout gluant.

C'est à ce moment-là que j'ai eu l'idée de faire un super sandwich. Un paquet de papier toilette, une rangée de poulet, et une autre rangée de papier toilette pour couronner le tout. Sans réfléchir à la fonction première du produit, je déclare à haute voix : "Avec du papier toilette, on n'est jamais dans marde !"

En écrivant ces lignes, je me rends compte que je suis vraiment loin d'être Hamlet avec son "Être ou ne pas être..."

Il faut bien commencer quelque part !

Bonne journée !

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